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Du 9 au 13 avril, sous l'effigie de l'Akahigedo et de la Presse, maître Takeuchi et ses contacts dans les domaines de la santé au Japon ont organisé une traversée des lieux les plus touchés par le tsunami. Depuis le 11 mars 2011, les thérapeutes de la clinique se relaient pour dispenser des soins dans les centres d'hébergements improvisés où résident par milliers les survivants de la catastrophe.


Nous étions une équipe de huit drilles à l'aventure, dans 3 voitures pleines à craquer de victuailles, et de couvertures minéralisées - une invention qui consiste, par un processus d'impression de couches minérales sur les fibres du tissu, à accroître la chaleur corporelle.
Les membres de l'entreprise PMC qui les distribuent aux réfugiés, sont pour certains originaires de la région de Sendaï. Et ils ont aussi chacun deux casquettes : celle du commerce et de la promotion des couvertures mais également, magicien, cartomancien, champion national de karaté, ou thérapeutes. Avec nous également, un reporter américain résidant au Japon depuis 25 ans, et un journaliste d'avant garde, rédacteur en chef d'un magazine japonais de la santé, Kazuma Uwabe. Ce dernier a lui-même perdu son frère aîné dans le tsunami. Sa belle-sour, institutrice, y a échappé, sauvant les 17 jeunes enfants dont elle avait la charge.
Nous avons déposé victuailles et couvertures sur le chemin, et nous avons sillonné la côte : Natori, Rikuzen takada, Miyagi, Moryoka, Rikuzen minami, Kesennuma. Les routes étaient déblayées, l'asphalte boursouflé à certains endroits ne permettaient pas de rouler à plus de 50 kms/heure. De part et d'autre des chemins, des déserts de détritus et de branchages, ou des barrages de poubelles composés de tous les objets du quotidien, de la lingerie aux meubles, à l'électroménager, tout enchevêtrés dans des automobiles et des rafiots fracassés, sous des poteaux de métal pliés et effondrés sous la puissance des vagues. Des automobiles sur les toits des maisons écroulées ou entre les étages de bâtiments évidés, des navires superposés au pied des montagnes. À Moryoka, sur les 80 pins immenses dressés le long de la côte, il n'en reste qu'un. Il est en train de devenir l'emblème de l'espoir pour les survivants qui viennent caresser son tronc.
Nous avons parlé avec des pompiers, des pêcheurs, des infirmières, des officiels, des personnes errantes dans les décombres à la recherche de leurs effets personnels. Les gens cherchaient le contact oculaire et nous aspiraient vers eux pour témoigner du drame, des pertes humaines.

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Le 11 avril 2011, devant le no man's land des débris de la dévastation, nous avons assisté à la minute de silence improvisée en hommage aux morts du tsunami. Et le 11 avril était aussi le premier jour de pêche depuis un mois. Sur le quai, les poissons se déversaient dans les caisses de la halle du port, rappelant que, sans doute, seuls les gens de la région en consommeront. Le commerce florissant de l'excellente production agricole et marine du nord est mort. Qui sait jusqu'à quand .

Rien à dire : nous avons traversé ces paysages et sommes restés sans voix.

Mais à chaque fois, en route vers un lieu nouveau, nous avons échangé des histoires drôles, en japonais, encore et encore, reprenant la blague jusqu'à ce que tous la comprennent, riant de la perplexité de celui qui ne la comprenait pas. Au final, chacun relevait le défi de conter l'histoire, telle qu'il l'avait comprise. Jusqu'à la suivante, à saisir, et rire.

Il va sans dire : rire équilibre.


Au Japon, il a été dit aux infos :
- Il y a eu 3 vagues au tsunami : le pic de l'une d'entres elles étaient de 30 mètres
- On compte plus de 30,000 morts ou disparus
- 800 enfants sont devenus orphelins et, parmi eux, certains n'ont plus de famille proche non plus ; le gouvernement fera sans doute construire des orphelinats sans chercher à les faire adopter.
- l'aide apporté à Rikuzen par l'équipe médicale israêlienne a été très précieuse et hautement appréciée par la population. Les équipements médicaux qu'ils ont laissés derrière eux au service des médecins de la zone sinistrée permettent d'assurer le service auprès des malades et des femmes enceintes.
- malgré la présence des plus grands experts américains, allemands et français auprès des spécialistes du nucléaire de Fukushima, rien n'est encore maîtrisé. - environ 60% de la population étrangère au Japon a quitté le pays - et les résidents français plus particulièrement à grand bruit.

Constats en vrac :
- la question du nucléaire est présente dans les discours mais : personne n'arrive "à croire" que ce qui se passe à Fukushima, qui est à 250kms de la capitale, peut affecter l'air de Tokyo, et la santé de ses résidents.
- si la terre tremble des centaines de fois par jour, en moyenne 3 sont perceptibles et, parfois, pas des moindres : ça stresse !
- à Tokyo, en dépit du tremblement de terre de magnitude 8.9, pas une maison n'est tombée ! Ce sont des génies de la construction parasismique : comment se fait-il qu'en Europe, on n'ait toujours rien appris ! Combien de Lorca mai 2011 nous faudra-t-il encore pour nous y mettre ?

Les paysages que ce reportage photos dévoilent n'est pas le fait d'une guerre franche.
Il est le fait de la folie humaine.
Si la langue de chacun est sa propre terre, comme la langue française est la mienne, c'est dire l'importance des mots...
Mais si les hauts lieux de la politique en usent s'en en mesurer l'importance, comme nous autres en France y sommes sans cesse confrontés, voyons combien la terre peut être pareillement traitée : au Japon, dans les salons de la gent intellectuelle, comme ici en France, j'ai entendu que les dirigeants des grandes puissances actuelles - américains, russes, chinois, japonais - "frappent sans relâche les plaques internes de la calotte polaire où se font des expérimentations".
Dans quel but ? Quand en entendrons nous parler publiquement - et nous dire en conséquence : "OUPS ! Ce n'était pas prévu, nous avons frappé trop fort ..."? Ou pire encore : "pour l'évolution de la science, il est normal que des vies soient sacrifiées..."

L'ère du nucléaire est celle des 3 singes (ni ne voit, ni n'entend, ni ne sent), celle de nos dirigeants sans vision, à même hauteur.
En attendant, le constat est morbide et les perspectives bien noires, notamment pour le Japon et toute la région - de la Chine jusqu'à la côte ouest des États Unis - mais aussi, ici, car tous et tout est lié ...

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